Sabrina Novak : à la recherche des légumes perdus
Directrice adjointe et responsable projets développement au CRBA - Centre de Ressources de Botanique Appliquée, Sabrina Novak réhabilite les légumes oubliés pour assurer la sécurité alimentaire et accroître la qualité nutritionnelle de nos assiettes.
Quel est le rôle du Centre de Ressources et de Botanique Appliquée ?
L’objectif du Centre de Ressources de Botanique Appliquée est de favoriser la recherche en botanique appliquée à l’horticulture, à la création et la restauration de jardins et à l’histoire et l’utilisation actuelle des plantes.
Tout est parti d’une étude au sein du CNRS « Fruits, légumes et fleurs du bassin lyonnais : un patrimoine culturel et biologique à connaître et à conserver» sur l’importance historique de l’horticulture en région lyonnaise. En effet, au XIXe siècle, 60% des roses mondiales étaient créées à Lyon, tout comme plusieurs milliers de variétés de fruits, légumes et fleurs !
En 2008, Stéphane Crozat, directeur du CRBA et ethnobotaniste et moi-même avons fondé le CRBA au domaine de Lacroix Laval pour retrouver ce patrimoine oublié d’environ 500 variétés de fruits et légumes. En 2013, nous en avions retrouvé une centaine, dénichée à force de recherches dans les potagers, ou chez les collectionneurs et surtout auprès de banques de semences mondiales dont l’Institut Vavilov en Russie avec lequel nous collaborons scientifiquement pour cinq ans.
Un exemple concret de votre travail sur ces légumes oubliés ?
Le CRBA, en collaboration avec le Réseau AMAP Auvergne-Rhône-Alpes, et des maraîchers régionaux a soutenu la culture et la récolte de semences de variétés potagères locales.
Ce qui nous a permis de faire d’une pierre trois coups !
1 – on donne aux maraîchers la possibilité de retrouver cette biodiversité cultivée oubliée et indispensable à plusieurs titres : pour leurs qualités agronomiques, culinaires et nutritives. Nous les formons également à faire leur graine et menons un travail de suivi des cultures.
2 - les AMAP font la promotion de ces variétés et les distribuent dans les paniers, avec une recette originale signée par le chef étoilé Alain Alexanian, et l’idée qu’il appartient à tous de défendre notre souveraineté alimentaire.
3 – La nécessité de retrouver, protéger et valoriser cette biodiversité cultivée passe aussi par des réseaux de consommateurs, comme ceux des AMAP. Car l’objectif est bien que ces variétés retrouvent les assiettes de tous.
Et en quoi ces actions sont-elles essentielles ?
En 100 ans, 75% de la biodiversité cultivée a disparu au profit de quelques variétés standard, souvent moins intéressantes sur un plan nutritionnel.
C’est donc bien notre alimentation qui est en jeu dans ces disparitions. Cette érosion a pour conséquence majeure l'insécurité alimentaire. Depuis la seconde guerre mondiale, en Europe, nous avons par exemple perdu 95% des variétés de choux, 91% des variétés de maïs ou encore 81% des variétés de tomates...
Photo des légumes anciens : ©Emmanuelle Cornut